Bon bah voilà, la LDH s'est faite balayée au Conseil d'État concernant sa demande de suspension de l'état d'urgence... Quelle surprise. :'(
Un communiqué de presse plus lisible de la décision du Conseil est disponible à cette adresse :
http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Etat-d-urgence
Je trouve la décision du juge administratif extrêmement faible, sans aucun argument. Extraits choisis :
- « En l’absence d’une telle question, le juge des référés du Conseil d’Etat constate que la loi du 20 novembre 2015 fait obstacle à ce qu’il prononce lui-même la suspension totale ou partielle de l’état d’urgence. » -> respect de la séparation des pouvoirs, c'est positif, mais l'on comprend à quoi a servi la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l'état d'urgence. ;)
- « Considérant qu’il résulte de l’instruction que le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public qui a conduit, à la suite d’attentats d’une nature et d’une gravité exceptionnelles, à déclarer l’état d’urgence n’a pas disparu ; que, même s’ils ont été de moindre ampleur que ceux du 13 novembre, des attentats se sont répétés depuis cette date à l’étranger comme sur le territoire national et que plusieurs tentatives d’attentat visant la France ont été déjouées » -> « des attentats se sont répétés [...] sur le territoire national » ???!!! WTF ?! Y'a eu des attentats en France depuis novembre ? O_O Quoi qu'il en soit, ce passage est clé dans la décision : tant qu'il existera un risque, l'état d'urgence sera légitime. Comme le risque 0 n'existe pas... on ne sortira jamais de l'état d'urgence. CQFD
- « que la France est engagée, aux côtés d’autres pays, dans des opérations militaires extérieures de grande envergure qui visent à frapper les bases à partir desquelles les opérations terroristes sont préparées, organisées et financées » -> traduction « on est en train de chercher la merde qui nous éclaboussera dans quelques temps donc on justifie déjà le maintient de l'état d'urgence dans le futur. Oui, aller bombarder Daesh en faisant des dégâts collatéraux, je nomme ça « chercher la merde » : c'est aussi ignoble que les attentats commis en France et ça ne va pas calmer le jeu, bien au contraire.
- « que les mesures qui ont été arrêtées, sous le contrôle du juge administratif, à qui il appartient de s’assurer qu’elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu’elles poursuivent, ont permis d’atteindre des résultats significatifs » -> le juge administratif est donc juge et partie ? J-O-I-E. 2763 perquisitions pour 63 peines prononcées (source :
http://www2.assemblee-nationale.fr/14/commissions-permanentes/commission-des-lois/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence/donnees-de-synthese/suivi-judiciaire-des-mesures-prises-pendant-l-etat-d-urgence ) , c'est proportionné ?! Quand on arrive à seulement 4 procédures anti-terroristes (dont 3 enquêtes préliminaires auxquelles il n'y aura peut-être jamais de suite) parmi toutes les infractions constatées (source :
http://abonnes.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/01/08/quand-francois-hollande-gonfle-le-nombre-de-procedures-antiterroristes_4844246_4355770.html ) parmi toutes les actions engagées, on n'est d'accord que les ~ 500 infractions constatées n'ont rien à voir avec le terrorisme ? Et on estime que c'est adapté à la finalité ?! De qui se moque-t-on ?! Depuis quand un bazooka est adapté à la chasse au moustique ?! Voir aussi
https://www.nextinpact.com/news/98015-etat-d-urgence-3-021-perquisitions-381-assignations-4-procedures-pour-terrorisme.htm
Je trouve que le Conseil d'État n'a pas répondu à la question qui lui est posé et qui est parfaitement en accord avec son rôle, à savoir « Est-ce qu'il y a eu une ou plusieurs atteintes à une ou plusieurs libertés fondamentales ? » mais a répondu à la question « Qu'est-ce qui justifie le maintient de l'état d'urgence ? », et en se servant de cette réponse comme un levier pour expliquer qu'il n'y a pas d'atteintes aux libertés, ce qui est un lien erroné ! J'veux dire : il peut y avoir des atteintes graves à des libertés fondamentales sans que les causes du déclenchement de l'état d'urgence soient résorbées, ce n'est pas incompatible. Dans un tel cas, il faut faire cesser les atteintes et recadrer les autorités.