La télégonie, encore appelée imprégnation, c'est la croyance selon laquelle la descendance d'un animal femelle serait influencée par ses anciens rapports avec d'autres mâles avant le dernier rapport fécondant. En conséquence, une femelle « de race pure » qui aurait jadis « fauté » avec un bâtard engendrerait à jamais des bâtrds, même croisée avec des mâles « de race pure ». Vers 1900, cette croyance, qui résonne tant avec le culte de la virginité féminine des religions occidentales, fait office de vérité chez les éleveurs de chevaux et de chiens (chez qui elle persiste aujourd'hui). La « pureté de la race » dépendrait de la bonne conduire des seules femelles ! Cette ineptie était cautionnée dpar des pointures comme Darwin, Spencer ou Le Dantec, mais contestée par Weismann, pour des raisons théoriques évidentes. Lucien Cuénot, zoologiste nancéien, rencontre alors une « jeune institutrice intelligente », Mlle Barthelet. Par des expériences méticuleuses sur des souris grises et blanches, menées pour le laboratoire de Cuénot, elle démontre en 1900, dans un compte rendu de l'Académie des Sciences de Paris, que la télégonie n'est « qu'un préjugé d'éleveurs ». Tout porte à croire que, dans ces mêmes élevages, elle aurait découvert que la pigmentation gris/blanc des souris suit les lois de Mendel et que le croisement d'hybrides produit trois fois plus de souris grises que de blanches. Mais cette découverte fondamentale que les lois de Mendel, connues chez les pois, s'appliquent aussi aux animaux sera publiée par le seul Cuénot, dont elle fera la gloire nationale et internationale. On n'entendra plus parler de Mlle Barthelet, dont la littérature scientifique n'a même pas retenu un prénom !
Dans le numéro de février 2018 de Siné mensuel.