Le régime mauritanien séduit députés et personnalités pour redorer son image et combattre ses opposants.
C’est officiel : dans un mois, Macron va s’inviter au sommet de l’Union africaine en Mauritanie. Jolis salamalecs à Nouakchott, capitale d’un régime qui ne brille guère par sa libéralité : il vient, par exemple, de promulguer une loi rendant « obligatoire » la peine de mort pour des « propos blasphématoires ». Morbleu !
Mohamed Ould Abdel Aziz, le président de la République islamique, s’emploie pourtant, depuis quelques mois, à rendre la devanture de son pays plus avenante. Allié de poids de Macron dans la lutte (au sein du G5 Sahel) contre Al-Qaida au Maghreb islamique et autres djihadistes, il a invité, le 30 mai, une délégation de députés français conduite par Jacques Maire (LRM). Emu, le vice-président de la commission des Affaires étrangères a salué « de réels progrès pour les populations, tant au plan de la sécurité que du développement ».
La Mauritanie a aussi rouvert au tourisme, avec le soutien (prudent) du Quai d’Orsay, des régions jusqu’ici déconseillées. Pour illustrer cette capacité d’ouverture, elle a invité, fin novembre, trois députés En marche ! tous frais payés pour une semaine. Ainsi Jean François Mbaye (Val-de-Marne), Liliana Tanguy (Finistère) et Amal Amélie Lakrafi (Français établis hors de France) ont-ils fait la tournée des dignitaires du régime et enchaîné quelques visites culturelles, non sans séjourner en de plaisants hôtels.
Régime sec
Organisateur du voyage et figure de proue de l’entreprise de séduction du régime, le juriste Jemal Taleb, qui travaille à Paris dans un cabinet anglosaxon d’avocats, revendique le titre d'« ambassadeur itinérant ». Après l’escapade des trois parlementaires, il a créé le Groupe de liaison des amis de la Mauritanie (Glam), avec pour président l’ex-député PS François Loncle.
Le Glam accueille aussi l’ancien ministre sarkozyste Eric Besson et le conseiller régional PS Ali Soumaré. Sans oublier le juge antiterroriste Jeau—Louis Bruguière, qui a officié pendant un an comme « conseiller spécial » du président Aziz. Rémunération : 100 000 euros. '
Le lobbying de Nouakchott vise également à dénigrer deux « cibles » bien introduites en France. D’abord, Mohamed Ould Bouamatou, qui, avant de faire fortune dans la banque et le commerce de cigarettes, fut le compagnon (dans l’opposition) et le mécène du futur chef de l’Etat.
Aujourd’hui opposant d’Aziz, ce businessman est actif à Paris. Il fait travailler des juristes, des communicants (de l’agence Havas, notamment}, des sites d’information, d’anciens policiers et des associations anticorruption telles que Sherpa, dirigé par l’avocat William Bourdon.
Autre grand ennemi du régime : un certain Moustapha Chafi. Naguère conseiller du président burkinabè déchu Blaise Compaoré, Chafi a servi d’intermédiaire dans une série de prises d’otages au Sahel. Il faut dire qu’il connaît par leur petit nom plusieurs chefs et preneurs d’otages islamistes - l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, entre autres, avec qui il a plusieurs fois « négocié ».
Au nom de cette proximité, Nouakchott a lancé un mandat d’arrêt international contre Chafi pour « appui logistique et financier à des groupes terroristes en activité dans le Sahel ». Problème : ce dernier a de bons amis au sein des services de renseignement français. Dur de faire de la diplomatie sans fâcher personne…
Dans le Canard enchaîné du 6 juin 2018.