Trahison », « mensonge »… Bruno Le Maire n’a pas eu de mots assez durs pour fustiger la décision de Ford de fermer son usine de Blanquefort, en Gironde. Mais, tandis que le ministre de l’Economie répète sur les ondes qu’il soutient les 850 salariés qui se retrouveront bientôt sur le carreau, une société de sécurité, contrôlée indirectement par les pouvoirs publics, fournit au constructeur américain des moyens de juguler la contestation.
Anges gardiens militaires
Ford, en effet, s’est attaché les services de Geos, filiale de l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (Adit), détenue à 24 % par la Banque publique d’investissement (Bpifrance), et à 10 % par l’Etat. La dizaine de contractuels de Geos embauchés par le constructeur a pour mission, entre autres, de protéger les machines-outils et, surtout, les cartes électroniques qui les commandent. Car la firme automobile compte bien récupérer ce précieux matériel après la fermeture définitive du site, en août.
Si ces cartes ont de la valeur, c'est probablement qu'elles vont être utilisées ailleurs, donc l'usine de Blanquefort est utile, donc sa fermeture est illégitime. Si l'usine est fermée, c'est qu'elle est inutile, donc les cartes aussi, donc il ne sert à rien de lutter pour leur conservation. On est donc en plein dans l'hypocrisie de la fermeture-délocalisation : ils vont fermer une activité utile mais moins rentable que si elle était délocalisée. On perd de vue l'utilité sociale au profit de l'utilité du pognon.
Contacté par « Le Canard », Geos n’a pas souhaité faire de commentaires. Dommage : cette boîte, qui intervient habituellement dans les zones à risques à l’étranger, en recrutant d’ex-militaires et d’anciens flics, développe depuis quelques années un savoir-faire lucratif dans la gestion des conflits sociaux.
Une activité qui, contrairement au secteur automobile, ne connaît pas la crise…
Des mercenaires pour gérer les conflits sociaux… Le retour des briseurs de grève…
Dans le Canard enchaîné du 13 mars 2019.