Mardi 8 novembre 2016, l'Assemblée a adopté la version définitive de la loi Sapin 2
Ce que j'en retiens :
- La réduction de la durée de validité d'un chèque bancaire de 1 an à 6 mois n'est pas entrée dans la loi ;
- Les conventions judiciaires d'intérêt public sont entrées dans la loi. Il s'agit, pour les sociétés commerciales, d'une amende négociée en amont plutôt qu'un procès dans des affaires de corruption et de fraude fiscale. Ça se nommait transaction pénale fût un temps et ça a été retoqué au Conseil d'État mais bon, faut bien retenter sa chance :- . Instaurer un tel mécanisme comme palliatif au fait que la justice française n'a jamais condamné définitivement une entreprise pour corruption active, c'est se moquer du monde ;
- Registre numérique unique, en Open Data, des représentant-e-s d'intérêts. Ça couvre : Assemblée, Sénat, membre du gouvernement, membres de cabinets ministériels, collaborateurs du Président, les autorités administratives indépendantes.
- J'adore le reporting fiscal genre chaque société commerciale (> 750 millions d'euros de chiffres d'affaires pour l'entreprise ou tout le groupe) devra pondre un rapport public sur le montant d'impôts qu'elle devrait payer. Même si elle est une filiale d'une holding étrangère. Et si le groupe a beaucoup de filiales (seuil sera défini en décret) alors le rapport devra indiquer les impôts dans les différentes juridictions. Je trouve ça tellement lol et utopiste. :') Après, il ne faut pas se mentir, ce bout de texte allait est une implémentation conforme d'une directive européenne à venir ;
- J'aime aussi beaucoup : « la possibilité de limiter voire bloquer tout retrait sur les contrats en assurance-vie pendant une période de 6 mois. » (http://bfmbusiness.bfmtv.com/france/pourquoi-la-loi-sapin-2-inquiete-les-epargnants-1056628.html ). Il faut protéger l'assureur, le financier contre des retraits massifs afin de "protéger le système". Magnifique, non ? :') Toutes les sociétés commerciales aimeraient être autant chouchoutées et protégées de leurs clients que le sont les banques et assurances.
- Lanceur-euse-s d'alertes :
- Personne physique uniquement. Une personne morale (association, syndicat) ne peut se réclamer de ce statut. Juste histoire de dissuader un maximum de personnes de "jouer" au lanceur-euse-s d'alertes par la technique de l'isolement :- ;
- L'Assemblée a ré-introduit la possibilité de faire remonter des alertes à propos de menaces potentielles, pas juste de faits avérés \o/ ;
- On retrouve toujours la graduation bullshit pour lancer l'alerte : d'abord en interne auprès de la hiérarchie sauf exceptions (danger grave et imminent, ou dommages irréversibles) puis aux autorités compétentes (judiciaires, administratives, ordres pros) et enfin à la presse/public. Ceci est insensé et confus : qu'est-ce que le délai raisonnable entre chaque gradation ? Vous vous imaginez en train de raconter à votre boss qu'il y a de graves problèmes au sein de la société et que vous allez sortir une alerte ?! Sans compter que le but non avoué est bien de faire en sorte que les alertes n'atteignent jamais la presse ;
- Des sanctions sont prévues pour l'entrave du-de-la lanceur-euse d'alertes : 1 an et de 15 000 € ;
- Une aide (avance des frais de justice, dit-on) et un secours financier (quand le-la lanceur-euse d'alerte sera sans emploi, dans la misère totale) par le Défenseur des droits sont vaguement prévus dans une proposition de loi qui a été adoptée en même temps : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/competence_defenseur_droits_protection_lanceurs_alerte.asp . Je trouve cela trop vague : comment le Défenseur agira-t-il ? Sur quels critères accordera-t-il et refusera-t-il son secours financier ? Rien n'est indiqué. Notons que cette proposition de loi fait l'objet d'un recours parlementaire devant le Conseil Constitutionnel ! ;
- Qu'est-ce que la « bonne foi » du-de-la lanceur-euse d'alerte ? « Une brèche dans laquelle la partie adverse ne manquera pas de s'engouffrer. Elle aura tout loisir de mettre en lumière des éléments prouvant que l'intéressé ne l'était pas. Par exemple qu'il était en désaccord avec des personnes de l'entreprise et a voulu leur nuire, ou qu'il a fait du chantage pour négocier son départ en mettant dans la balance le fait qu'il avait un "dossier" sur l'entreprise. "En Angleterre, où il y a une législation sur le sujet depuis 1998, on a supprimé la notion de bonne foi en 2013. Ce qui importe, c'est de savoir si les allégations sont vraies ou fausses, c'est tout", remarque Patrick Thiébart. » (source : http://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/pourquoi-le-statut-de-lanceur-d-alerte-sera-difficile-a-obtenir_1838699.html ) ;
- Quid du lanceur-euse d'alertes de sécurité ? Un-e lanceur-euse d'alertes qui fait fuiter des docs, l'infraction me semble être constituée par la fuite elle-même alors que le-a lanceur-euse d'alertes de sécurité, on peut l'accuser d'avoir commis une infraction avant même qu'il divulgue : entrée et maintien dans un STAD, etc. ;
- De même, l'agence anti-corruption n'est pas une autorité administrative indépendante. Elle sera sous la tutelle de deux ministères. Pas top du tout : un scandale n'arrange jamais le business d'un secteur. or, le ministère (santé, économie, industrie) est là pour chapeauter ce secteur d'où la possibilité de vouloir restreindre les alertes. Niveau budget : l'étude d'impact table sur 10-15 millions d'euros. Plus que la HADOPI ces temps-ci mais je ne sais pas ce que ça vaut ;
- Bref, on est sur la création d'un parcours du combattant pour les lanceur-euse-s d'alerte, pas sur la définition d'une protection réelle de ces personnes !