Depuis les lois issues de l’état d’urgence, les policiers n'ont plus besoin d’invoquer la seule légitime défense pour faire usage de leurs armes. Un simple refus d’obtempérer peut mettre la vie du fuyard en péril. Welcome in the American way of life !
Comment la violence s’instaure dans une société humaine ? Qu’est-ce qui fait la différence entre la criminalité de l’Europe et celle des États-Unis (rapport de 1 à 35) ? Sans doute l’histoire du pays. En France, en revanche, le nombre d’armes à feu est logiquement contrôlé. Les personnes habilitées à en porter (police, armée, sécurité privée sur autorisation et chasseurs) sont répertoriées. Bien sûr, des armes circulent sous le manteau, utilisées à des fins de délinquance voire de terrorisme. L'exemple américain montre que l’usage des armes est une escalade sans fin. Plus il y a d'armes du côté des forces de l‘ordre, plus il y en a du côté de la délinquance, chacun étant persuadé de répondre à l’autre. Jusqu'à récemment, en France, l’usage d'une arme à feu par la police était défini par la légitime défense et donc par la mise en danger du policier lui-même, d’un collègue ou de toute autre personne menacée. Il y avait souvent des abus, des enquêtes de l’IGPN et parfois de sérieux doutes sur la réalité de la légitime défense. Depuis les lois antiterroristes du 28 février 2017, la police est autorisée - entre autres - à sortir le flingue en cas de « périple meurtrier » et lorsqu‘elle ne peut arrêter un véhicule dont les occupants sont « susceptibles de perpétrer des atteintes à la vie ».
On mesure là l’incroyable flou laissé à l’appréciation du policier souvent en stress, parfois jeune ou peu formé. L’usage des armes (autour de 500 fois depuis 2017, en augmentation de 30 %) se banalise et en particulier pour des refus d’obtempérer lors de contrôles de véhicule (1)… C’est le cas de Romain, 26 ans, qui a refusé de s’arrêter au barrage routier et qui a été abattu à Paris en août alors qu’il ne menaçait personne. À l’identique de ce jeune Nantais de 22 ans, le 3 juillet 2018 ou de cet autre le 30 août qui, circulant sur l’A9, a refusé de se soumettre au contrôle routier et a été abattu lors de sa fuite. Les policiers sont finalement dans leur droit, ils peuvent supposer que l’individu en question s’apprête à commettre un délit… Certes, mais on sait que dans la très grande majorité des cas, le refus d’obtempérer des automobilistes est dû à un défaut d’assurance, de permis ou à un état alcoolique.
Si l’on ajoute à ce triste constat la récente autorisation donnée aux policiers de garder leurs armes de service lorsqu’ils sont en civil, on comprend mieux comment s’instaurent sournoisement la banalisation de l’arme à feu, le recours systématique au fusil face à une menace ou à une violence qui, autrefois, auraient pu se régler à coups d’insultes, de bourre-pifs ou de fuite. Merde ! Là aussi, les Américains ont gagné la partie. Il n’y a plus qu’à attendre que les citoyens s'arment légitimement et nous y serons. Un chiffre ? 36252 morts par armes à feu aux États-Unis en 2016 !
(1) 63 % des armes à feu sont utilisées par des policiers sur des véhicules, 25 % sur des animaux, 10 % sur des personnes et 2 % pour le reste.
Dans le Siné mensuel d'octobre 2018.