La CGT, combien de divisions ? Tandis que les premiers délégués faisaient le pied de grue, lundi 13 mai au matin, devant l’accueil du congrès de la confédération à Dijon, les opposants à Martinez procédaient, eux, à d’ultimes réglages au cours d’une dernière réunion… à Montreuil. Pour la première fois depuis la Libération, l’opposition de gauche au secrétaire général représente une force menaçante.
Elle compte — excusez du peu — des fédérations comme celles de la chimie, du commerce et des services, ainsi que des bastions historiques, telles les unions départementales du Nord, des Bouches-du-Rhône, du Val-d’Oise et du Val-de-Marne. Il y a deux mois, ces opposants envisageaient encore de mitonner une candidature contre Martinez. Finalement, ils ont décidé de lui laisser un sursis. Mais, d’ici là, la météo syndicale s’annonce très agitée. En témoignent deux démonstrations de force mêlant, le 27 avril à Paris puis le 1er mai à Marseille, ces opposants aux gilets jaunes et aux Insoumis.
Tapioca englué
Afin de calmer ces impatients, Martinez a d’ailleurs laissé entendre qu’il pourrait partir à mi-mandat. Le secrétaire général sortant doit aussi composer avec un courant « modéré », qui continue de prôner la défense des acquis sociaux par le dialogue. Présent dès la veille de l’ouverture du congrès, Bernard Thibault, qui fut le patron de la CGT pendant quatorze ans, ne s’est pas privé de fustiger, au cœur de sa fan zone, une direction qui ne sait qu’appeler à des manifs et un secrétaire général dont « les épaules ne sont pas assez larges ». Heureusement, on reste entre camarades.
A la veille de l’ouverture du congrès, le moustachu sermonnait les partisans d’une CGT plus tournée vers le combat anticapitaliste, nostalgique de la Fédération syndicale mondiale, qui régnait avant la chute du mur de Berlin. Mais sa seule stratégie, depuis son intronisation, est précisément celle des rouges vifs : enchaîner les journées d’action.
Merci, patron !
« Douze depuis l’arrivée de Macron. Et qu’a-t-il obtenu pour les salariés ? Rien ! » tempête l’un des leaders « réformistes ». Bref, nul ne sait quelle ligne suit Martinez. A part la sienne, évidemment. « Depuis son arrivée, il y a quatre ans, il passe deux jours par semaine à tourner en province pour préparer sa réélection. Il ferait mieux de penser une vraie stratégie », maugrée l’un des anciens salariés de la Confédération. Marcher nuit gravement à la pensée.
Autre souci pour lui : ses « gauchistes » espèrent faire de ce congrès une tribune pour dénoncer son comportement à l’égard des salariés de la CGT, jugé autoritaire. En conséquence, le Général Tapioca vient de retirer la gestion du service d’ordre à la fédération — insuffisamment docile — qui en était chargée. Les remplaçants, recrutés en urgence avant le 1er Mai par l’union régionale d’Ile-de-France, n’ont guère été à la hauteur. La sécurité du congrès a donc été confiée à un privé, fournisseur attitré de la mairie de Dijon, laquelle est dirigée par l’ex-ministre PS du Travail François Rebsamen. Celui-là même contre lequel Martinez avait lancé ses troupes dans la rue.
Exemples d'autoritarisme : Martinez purge la CGT comme un vrai libéral et La CGT combat héroïquement ses ennemis de l’intérieur.
Ah, qu’il est doux d’avoir des ennemis à gauche quand ceux de droite sont trop forts !
L'érosion de la base de la CGT au profit de celle de la CFDT fait s'affoler les loups du troupeau CGT, rien de neuf.
Dans le Canard enchaîné du 15 mai 2019.