Très attendu, très polémique, ce rapport au Parlement rédigé par le patron de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), Didier Leschi, est tombé dans les pattes du « Canard ». Il est consacré à une procédure très sensible : l’attribution d’un titre de séjour aux étrangers malades, contraints de rester en France, faute de traitement dans leur pays. Accusé de donner lieu à des fraudes et de coûter des fortunes, ce dispositif a profité à 14 713 victimes de graves maladies en 2017. Soit 1 200 par mois.
En 2017, le taux d’« avis defavorables » (au titre de séjour) rendus par les médecins de l’0fii a grimpé à 47 %, contre 23 % en 2013. Nommé fin 2015 à l’Ofii, Leschi s’en félicite : c’est « une véritable rupture ». Les gens seraient-ils moins malades qu’avant ? Les soins dans les pays pauvres auraient-ils tellement progressé ? Le rapport n’ap-porte aucune réponse rassurante sur ce plan !
Et ça va sûrement s’améliorer ! Car les médecins de 1’0fii chargés, depuis janvier 2017, de délivrer le précieux sésame sont, selon les associations, soumis à la pression du ministère de l’Intérieur, dont dépend leur employeur…
Pognon de, malades
En 2017, les malades mentaux étaient en tête des demandeurs. Rejetés à 73,5 %. C’est fou ! Alors que le stress post-traumatique, très fréquent, a été contracté dans leur pays en guerre… Pas grave puisque, selon l’Ofii, les thérapies ne serviraient pas à grand-chose : il suffirait d’une bonne « écoute » pouvant se tenir « dans le pays d’origine ».
Mieux considérés, les diabétiques sont acceptés à 49 %. Même à 69 % quand ils cumulent d’autres pathologies. Et 53 % de 468 tuberculeux ont eu leur « avis favorable », Sans oublier les malades du sida — 4 940 demandes en 2017 —, avec 94 % d’acceptations.
Très bien ! Mais qu’est-ce qu’un « pays sûr» où, selon l’Ofii, on peut être soigné ? La « Bibliothèque », une base de données citée dans le rapport, fournit « des informations précises et pratiques aux médecins pour les aider à apprécier la capacité du pays d’origine à prendre en charge une personne atteinte d’une maladie grave ».
Aïe ! c’est bizarre… Il y a quelque temps, l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), qui regroupe de nombreuses associations, dont Médecins du monde, a montré, vérifications à l’appui, qu’une flopée de ces informations étaient « fausses ».
Un cas très éloquent : les hépatites B et C, potentiellement mortelles — 4 938 demandes en 2017 —, bénéficient d’un maigre taux d’acceptation de 10,8 %. Bien soignées au pays, alors ? Dans certains d’entre eux, les malades sont seulement traités en cobayes via des protocoles expérimentaux…
L’an dernier, dans une lettre ouverte, l’ODSE dénonçait ces « dérives » du dispositif auprès de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s’étonnant, par exemple, que « le service médical de l’Ofii estime qu’en Angola, au Cameroun ou au Mali les soins soient accessibles aux malades mentaux ». Alors que, d’après les informations sur place de l’ODSE, ces soins sont « insuffisants », voire « inexistants ». Ce rapport leur montre qu’ils ont dû rêver…
Dans le Canard enchaîné du 8 août 2018.