Aaaaaah, le team building… C't'un peu comme les méthodes agiles… Ça commence par un mot anglais pour se donner un style. Ça embraye sur un concept chié par des petit⋅e⋅s chef⋅fe⋅s (faut dire « manager », je crois :- ) qui se sont rendu compte que, surprise, y'a des gens pas contents d'être entassés sans intimité dans un open space, que tel⋅le ou tel⋅le a été privilégié⋅e par la hiérarchie, que le projet X a foiré notamment à cause de Y ou, au contraire, a été totalement accaparé par Z, etc. Plutôt que de gérer ça en se comportant comme des chef⋅fe⋅s (revoir l'espace de travail, expliquer et assumer un choix, rendre la prise de décisions plus transparente, prendre sur eux⋅elles la responsabilité de l'échec d'un projet, veiller et travailler au quotidien pour la cohésion de l'équipe, etc.), il⋅elle⋅s ont chié le team building… c'est-à-dire des activités en dehors du taff (accrobranche, VTT, escalade, restau, etc.) moralement obligatoires, ce qui crée une cohésion d'équipe artificielle, tout aussi factice que l'intelligence artificielle. Bref, une mauvaise échappatoire à une problématique réelle. C'est tout aussi vain et inadapté que les journées d'intégration des écoles d'ingénierie, des facs ou en entreprise.
C'est artificiel parce que l'instant est crée par la hiérarchie pour servir l'intérêt de la structure (une cohésion d'équipe, même forcée, c'est moar profits, selon ces gens-là). Or, un tel moment entre humain⋅e⋅s ne se décrète pas, encore moins depuis le sommet de la pyramide. Il est moralement obligatoire donc tu n'y participes généralement pas de ton plein gré (je pensais pourtant que le consentement est une notion importante… :O). Tu sais que tu es scruté et que tes propos et tes gestes sont décortiqués par tes collègues et par ta hiérarchie, donc tu joues un personnage conforme à leurs attentes afin de ne pas te faire classifier, marginaliser voire sanctionner. Je trouve tout cela abominable. Mais c'est présenté avec un mot anglais et avec le sourire, donc ça va, ça passe, voyons.
Dans un précédent emploi, une fin d'aprem accrobranche+tyrolienne a été organisée par un collègue missionné par le chef. C'était juste avant le pic d'activité saisonnier de la société commerciale (hasard ? non, agenda maîtrisé ;) ). Boarf, ce collègue a dû choisir cette activité car il aime ça, non ? Je l'ai interrogé sur ses motivations : voulait-il nous faire partager quelque chose qu'il aime ? Que nenni. Sa réponse fut que beaucoup de collègues auront peur sur la tyrolienne finale, qui est impressionnante. Une fois revenu au bureau, quand un collègue demandera de l'aide, il ne sera plus le même à ses yeux : il restera toujours le mec qui s'est chié dessus sur la tyrolienne et un petit rappel de cet événement permettra de calmer son ardeur s'il demandait de l'aide avec trop d'insistance ou s'il demandait à ce qu'une tâche soit accomplie avec trop d’entrain. Je n'invente rien, l'essentiel des mots "chocs" viennent bien de cet ex-collègue.
Voilà, tout est dit… Son objectif n'était pas de construire un esprit d'équipe, mais de rétablir un semblant de hiérarchie informelle basée sur une rivalité ("je suis plus doué que toi à la tyrolienne") et en jouant sur les peurs de chacun⋅e. La hiérarchie, qui avait entendu notre échange, n'a rien trouvé à redire, évidemment. Ce collègue a choisi l'activité qui lui permettrait de s'en sortir à bon compte. C'est bien vu. Mais je trouvais ça ignoble, donc je n'ai pas participé à cette soirée de team building. Huit-neuf mois plus tard ("c'est un beau bébé !" :D ), je trouve toujours ça aussi ignoble !
Tu pourras m'expliquer que je fais d'un cas vécu une généralité, mais, au-delà de cette illustration opportune, et pour les raisons que j'expose dans le deuxième paragraphe, je reste persuadé que le team building est la fuite en avant de la majorité des petit⋅e⋅s chef⋅fe⋅s qui ne méritent pas leur salaire car il⋅elle⋅s ne font pas leur taff (celui que j'ai décrit entre parenthèses dans le premier paragraphe) et ont recours à un artifice vain pour tenter de compenser. Selon moi, le team building est totalement contre-productif car une relation humaine saine ne se développe pas sur un esprit de rivalité/domination et ne peut être commandée. Mais elle permet aux petit⋅e⋅s chef⋅fe⋅s de rester à leur poste sans en remplir les missions, donc continuons ce petit jeu destructeur ?