Après le nouveau retard annoncé pour le réacteur EPR de Flamanville, le président d’EDF , Jean-Bernard Lévy, souhaitait mettre les pieds dans le plat au conseil d’administration du 28 juin et poser la question iconoclaste : doit-on tout arrêter ? Une provoc, bien entendu, pour manifester sa mauvaise humeur.
L’Autorité de sûreté nucléaire vient en effet de demander à EDF de consolider huit soudures, dont la rupture, écrit-elle, « ne peut plus être considérée comme hautement improbable ». La note déjà salée, et qui est passée de 3 à 11 milliards, serait donc encore alourdie. Et les délais seraient de nouveau allongés, au moins jusqu’en 2022. Pas mal, pour un réacteur qui devait entrer en service en… 2012 !
Peu probable pour autant que le chantier soit stoppé. Lévy lui-même devrait insister pour dire que « ce n’est pas une option privilégiée ».
« Flamanville a déjà coûté très cher, a commenté François de Rugy, le 21 juin, en marge d’une visite à Alençon. Il faut être sérieux : on ne peut pas mettre comme ça 11 milliards d’euros à la poubelle. Pour les antinucléaires, ce serait un trophée ! »
Et, pour Rugy l’écolo, Flamanville, c’est un chemin de croix.
Il faudrait être bas de plafond pour argumenter sur la fin du nucléaire en utilisant l'EPR, ce serait comme flinguer un protocole Internet (HTTP) en jugeant une seule implémentation perfectible (Internet Explorer), même si l'on peut piocher dans ce projet industriel des éléments utiles pour contester le nucléaire, comme le soin qu'EDF accorde à la sécurité (soudures, pourcentage de carbone dans les cuves d'acier, etc.) ou le coût réel du bouzin.
Et il faut être un politicien pour ne pas vouloir admettre une série d'erreurs (un modèle vendu en dessous de son coût de revient afin d'attirer le chaland, affairisme de la famille Bolloré, laisser-faire des gouvernements, etc. voir ici pour plus de détails) et stopper. Navrant.
Dans le Canard enchaîné du 26 juin 2019.