Une alliance semble se former entre les Marcheurs et l'UDI en vue des municipales. La majorité renforcerait donc son emprise locale (dans les villes) puis au Sénat puisque les maires participeront, avec d'autres locaux, à l'élection sénatoriale de 2020. Si cette alliance parvient à rafler une majorité au Sénat en plus de l'Assemblée, la deuxième moitié du quinquennat sera douloureux puisque Macron aura toute latitude et aucune opposition pour faire voter des textes liberticides, destructeurs de la protection sociale (chômage, santé, services publics) et réducteurs de la démocratie (comme la réforme de la Constitution).
Macron est déjà en train de dévier à l'extrême-droite sur les questions de sécurité et d'immigration afin de rafler des voix aux RN. Et il tape fort d'emblée… Il s'agit d'être aussi démago et idiot que le FN tout en ressassant des évidences nichées au sein de propos creux, sans véritable solution, sauf celles qu'on a déjà essayées des centaines de fois.
Vedette américaine du « campus » du parti présidentiel, François Bayrou est arrivé à Bordeaux en fulminant, furieux de la façon dont la Macronie traite les candidats du MoDem aux municipales (lire plus loin). Il a toujours en travers de la gorge la désignation par Macron, contre son avis, de Sylvie Gouiard, ex-MoDem passée à l’UDI, comme commissaire européenne. Du haut de la tribune, il s’est contenu, se bornant à mettre en garde LRM contre ses mauvaises manières et à donner une leçon sur la fonction de maire, qui dépasse les querelles d’appareil et d’étiquettes.
Mais il a tu — et on comprendra pourquoi — l’énorme contrariété qui l’étreint : l’élargissement de la majorité présidentielle. Passe encore que Laurent Hénart, du Parti radical, et que Franck Riester, avec Agir, aient rejoint la majorité. Passe encore que Jean-Yves Le Drian annonce comme imminente la constitution d’une aile gauche à En marche !. Ce que Bayrou a en travers du gosier, c’est l’arrivée très prochaine dans la majorité de l’UDI, son ennemie. Cette formation de centre droit, fondée par Jean-Louis Borloo, est aujourd’hui pilotée par Jean-Christophe Lagarde. Lequel est tout près de conclure un accord de gouvernement avec Macron soi-même, qui compte ainsi engranger le maximum d’élus en vue des sénatoriales. Ce ralliement paraît d’autant plus insupportable à Bayrou que l’UDI pèse plus lourd électoralement que le MoDem.
L’UDI compte, certes, moins de députés (28, contre 38 au MoDem) mais davantage de sénateurs (11 contre 5). Et, surtout, beaucoup plus de mairies : l’UDI détient 1 ville de plus de 100 000 habitants (Amiens), 4 villes de plus de 20 000 habitants et 60 de plus de 10 000. Le MoDem ne détient que Pau (avec Bayrou) et 50 villes de 10 000 habitants.
Autrement dit, Bayrou, qui s’attribue le mérite d’avoir fait élire Macron, est en passe de perdre son statut de partenaire privilégié.
Et, pour tout arranger, les pompiers de Pau, qui réclament des primes et des renforts, lui empoisonnent sa vie de maire depuis des semaines…
Le régalien, y a que ça de vrai ! C’est, en tout cas, ce que Macron veut mettre en avant dans la campagne… des municipales. Pour lui, le régalien, ce n’est pas les finances, la diplomatie, la Défense, la Justice mais l’Intérieur. Il a l’intention de mettre l’immigration et la sécurité au cœur de la campagne. Deux sujets sur lesquels il a, paraît-il, beaucoup travaillé, cet été, avec Castaner.
Première oraison de Macron sur le sujet, au dîner de la majorité du 3 septembre.
« La crise n’est pas finie, a-t- il de nouveau affirmé. La société reste fragile. Les gens ne se sentent pas écoutés. Il y a une crise à la fois sociale et démocratique. Si on ne parle pas des sujets régaliens, on les laisse à l’extrême-droite, et la présidentielle sera compliquée. On va au devant de nouveaux problèmes, on se prépare d’autres crises. »
Pour résorber cela, ne faudrait-il pas plutôt conduire une politique sociale (réduire les inégalités, combattre les injustices, faire à nouveau de la protection sociale, etc.) ? Bah nooooon, donner à tout le monde l'envie de taper sur tout le monde, ça demande moins d'efforts et ça paie immédiatement… … …
Devant l’ensemble du gouvernement réuni le lendemain en séminaire, le chef de l’Etat a remis le couvert.
« Il faut investir le rêgalien, a-t-il lancé à ses ministres. N’imaginez pas que ce n’est pas une préoccupation des Français parce que ça ne fait pas la une des médias. »
En tout cas, c’est une préoccupation de Macron.
Macron était mûr pour les idées du FN (tout en utilisant des entourloupes verbales pour les exposer), l'attentat récent à la Préfecture de Police de Paris va lui donner l'occasion de faire un nouveau virage sécuritaire et de renforcement des communautarisme par agitation de la haine de l'autre. Super…
Dans le Canard enchaîné du 11 septembre 2019.
Ne soyez pas naïfs ! L’immigration est un sujet qui préoccupe les Français. Le gouvernement doit s’en emparer et montrer que le FN n’a pas le monopole de cette question. » Depuis des semaines — et « Le Canard » s’en est fait l’écho —, Emmanuel Macron martèle ie même message à ses ministres et aux dirigeants de la maiorité. Lundi soir, ce sont les députés macronistes réunis au ministère des Relatiens avec le Parlement qui y ont eu droit. Agrémenté de quelques formules a l’emporte-pièce :
« En prétendant être humanistes, nous sommes parfois laxistes. »
Ou encore ;
« Il faut regarder les choses en face. Les bourgeois de centre-ville, eux, sont a l'abri : ils ne sont pas confrontés à la réalité sociale. Réfugiés et immigrés vivent dans les quartiers populaires, là où les classes populaires rencontrent déjà le plus de difficultés (…). Il faut donc être lucides, un parti bourgeois n’a pas d'avenir, il nous faut ancrer notre projet et le partager avec les classes populaires. » Ces « classes populaires » qui — suivez son regard — placent souvent Le Pen en tête aux élections et risquent de mal voter aux municipales puis, surtout, en 2022.
Le seul moyen d'obtenir une vraie mixité sociale, c'est une politique de réduction de la misère et des inégalités qui permettrait à des pauvres (qui ne le seraient donc plus autant) d'emménager dans les beaux quartiers actuellement réservés aux riches (qui ne le seraient donc plus autant) et inversement. La mixité forcée (logement sociaux dans les beaux quartiers, etc.) est une idiotie à long terme, on ne peut pas forcer des gens qui se pensent être différents et qui vivent des vies opposées, à vivre ensemble sur un même territoire.
Après avoir rappelé son attachement au « droit d’asile sans naïveté », le chef de l’Etat a affirmé que le sujet était mal traité : « On accueille mal et en intègre mal (…). Il faut donc être plus humains mais aussi plus efficaces lorsqu’il s'agit de reconduire aux frontières. »
Enfin, Macron a souligné que les demandes d’asile en France n’ont jamais été aussi élevées, alors qu’elles n’ont jamais été aussi faibles en Europe.
« Il nous faudra regarder, a-t-il ajouté, quelles propositions jailliront du débat sur l’immigration qui va se tenir à l’Assemblée (et au Sénat) afin que notre pays rejoigne les standards européens et ne soit ni plus ni moins attractif que les autres. »
Comment cette prise de position sur l’immigration a-t-elle été reçue par ses troupes ? Prudemment, Gilles Le Gendre a indiqué, lundi soir, qu’elle pourrait « irriter » certains députés macronistes.
De toute façon, Macron n’a pas l’air de se faire d’illusions. Quelques jours auparavant, il avait confié à des visiteurs que « trop de gens se défilent sur cette question, même au gouvernement ».
Et il avait conclu :
« Il faudrait un Chevènement. On n’a plus personne de cette veine-là, de cette gauche chevènementiste, clemenciste. C’est donc à nous de nous emparer du sujet. »
Ça, c’est une idée qu’elle est bonne : après tout, Chevènement n’a que 80 ans, seulement quatre de plus que Clemenceau quand il est revenu au pouvoir (mais pas pour s’occuper de l’immigration).
Transmis à Castaner pour qu’il commence à faire ses valises…
Dans le Canard enchaîné du 18 septembre 2019.