Et si l'on demandait à des investisseurs privés de financer des programmes sociaux innovants et que la puissance publique finance le retour sur investissement uniquement en cas de succès du programme ? What could go wrong?!
Et si, pour monter ces dossiers, on faisait un mille-feuille d'acteurs variés qui prendraient chacun leur marge au passage ? Une autorité publique, un organisme financier intermédiaire (qui organise le tour de table des investisseurs et récolte les fonds), un opérateur (entité qui mettra en œuvre le programme social) et des cabinets d'audit (pour vérifier que les objectifs du programme social ont été atteint, ce qui déclenche le retour sur investissement financé par la puissance publique).
Inspirés des Social Impact Bonds (Angleterre), les premiers contrats à impact social ont été signés fin 2016 en France et sont précisément tout cela.
Générer du profit en utilisant les personnes en détresse que l'on transforme en marchandises,
transformer l'action sociale-humaniste en logique purement comptable,
mettre en compétition les initiatives innovantes en matière sociale en brisant le modèle de coopération entre pouvoirs publics et associations de terrain au bénéfice d'un modèle prestataire/délégataire,
uniformiser et lisser les actions sociales (on ne s'adapte plus aux besoins concrets de chacun⋅e, comme si l'on pouvait répondre à un besoin commun de manière identique pour tou⋅te⋅s les bénéficiaires, comme si le social était un service unique qu'il suffit de vendre),
promouvoir le culte du chiffre (va mesurer le bonheur et le bien-être avec des chiffres),
promouvoir le culte de l'efficacité (oui, même le traitement de la détresse doit être productiviste et envoyer du chiffre),
exclure, de fait de ces programmes, et marginaliser encore plus les personnes les plus en détresse afin de faire du chiffre,
faire reculer la démocratie (si les investisseurs choisissent quelles actions sociales méritent d'exister ou nom en jugeant simplement sur leur rentabilité, à quoi sert la puissance publique ?).
Le tout premier Social Impact Bonds censé réduire la récidive des prisonniers de Peterborough, a été abandonné en cours de route par le privé, obligeant le public à le reprendre. Les contribuables ont donc payé la mise en place du SIB puis l'action sociale elle-même. Joli. :)
Via Siné mensuel numéro 68.