Suite et confirmation de « Macron ressuscite les RG pour ficher les gilets jaunes ».
Il fallait faire taire les critiques et calmer les réseaux sociaux après la révélation par « Le Canard » (23/1) d’une consigne fournie aux poulets du Renseignement territorial (ex-RG) leur enjoignant de fliquer sur papier les meneurs locaux des gilets jaunes. Des porte-parole du ministère de l’Intérieur ont donc fait le tour des popotes médiatiques. « A aucun moment il n’a été constitué un fichier gilets jaunes, ont-ils répété. Un tel fichier n’existe pas. »
Dans ce cas, c’était bien la peine d’adresser aux troupes l’instruction - dont « Le Canard » a copie — de recenser nominativement les « personnalités exerçant une réelle influence sur le mouvement ou se signalant par des discours ou des commentaires vindicattfs ou subversifs trouvant de l’écho sur les réseaux sociaux ». Le tout dans une note titrée « Meneurs du mouvement des GJ ». Ça « existe » ou non, chef ?
Soucieux de prouver que ce recensement est dans les clous, l’Intérieur assure avoir agi dans le cadre du décret du 16 octobre 2009, qui permet de répertorier les « personnes dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ». Le fichier en résultant, qui recense actuellement près de 50 000 individus, est baptisé « Prévention des atteintes à la sécurité publique » (Pasp). Il a été déclaré à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Bravo !
N’empêche que la Cnil se méfie des loustics. Il y a un an, elle a lancé un contrôle du fichier Pasp. Ils auront sûrement en tête l’article 3 du décret, qui a donné naissance au Pasp : « Il est interdit de sélectionner dans le traitement une catégorie particulière de personnes. » Les gilets jaunes, par exemple… Est-ce à cause de cet « interdit » que la Direction du renseignement territorial a ordonné à ses troupes de ne pas nourrir le Pasp mais de lui remonter discrètement les fiches numérisées, intitulées « Meneurs du mouvement des GJ » ? Malin, le poulet !
Gêné aux entournures, un officier du Renseignement crache le morceau : « Il s’agit d’une collecte pour un fichier de travail. » C’est ce qui s’appelle franchir la ligne jaune.
Avec ou sans gilet ?
Dans le Canard enchaîné du 30 janvier 2019.