Le 30 octobre 2019, lors de son audition par la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, Gabriel Attal, le secrétaire d'État à l'éducation et à la jeunesse, a déclaré (source) :
Je remercie par ailleurs Mme Sandrine Mörch, qui a mis le doigt sur une dimension extrêmement importante, trop peu souvent soulignée, en signalant que les associations n’étaient pas un coût ni un « boulet », mais une chance. Les associations rapportent en outre économiquement, avec 1,8 million d’emplois non délocalisables, en créant des richesses. Elles représentent également des coûts évités pour les pouvoirs publics. Nous ne le disons pas suffisamment.
Les Restos du Cœur rassemblent ainsi 70 000 bénévoles réguliers. S’il s’agissait de permanents payés au SMIC par l’État, cela représenterait un coût de plus de 200 millions d’euros par an. C’est aussi une économie. Je suis donc favorable à ce discours insistant sur les coûts évités que représentent les associations pour les pouvoirs publics. Il faudrait le tenir plus souvent.
L'une des missions d'un État est de veiller au bien-être de sa population. La lutte contre la pauvreté en fait partie. Cela devrait être un service public. À quoi bon une société humaine si c'est pour crever la dalle dans un coin ? Autant retourner chasser, cueillir et crever en solitaire ! À quoi bon lever l'impôt puisque tout peut se faire gratos ?!
En 2019, on a donc un secrétaire d'État qui se gargarise de la carence, de l'échec de l'État. Il est fier de refourguer le travail de solidarité, d'humanité, de soin, d'empathie, l'un des piliers d'un État, à des bénévoles afin de limiter les dépenses de l'État. Les bénévoles cumulent ce travail gratuit avec un autre emploi et leurs autres vies familiales, amicales, etc. Ces personnes doivent supporter une charge mentale et affronter des troubles psychologiques (supporter la misère humaine volontairement maintenue, le stress, le désespoir du "ça changera jamais", le poids de l'échec quand une personne décède de froid ou de faim).
Ce travail utile à la collectivité devrait être rétribué ! C'est là qu'un salaire de base ou un salaire à la qualification (Bernard Friot) prend tout son sens ! Mais il faut être cynique pour être fier du travail gratuit sur des missions d'intérêt général…
C'est bien triste de déclarer, en somme « tant que y'aura des pigeons pour aider », l'État ne fera rien. Rapporter des valeurs humaines, des engagements, etc. à des histoires de fric, comme si c'était le plus important…
Le lendemain, Gabriel Attal a cru bon de se justifier en ces termes (source) :
Cet argument chiffré vient d’une étude réalisée par les Restos eux-mêmes, pour mettre en évidence l’impact réel de leur action, complémentaire à l’État (8 milliards d’€ sur le plan pauvreté). C’est donc un argument en + pour défendre assos et bénévoles, je l’assume pleinement !
Il faut être ignorant ou cynique pour déclarer cela… Cela se nomme une valorisation extra-comptable. Cela permet de justifier les actions menées auprès des élus, des donateurs et des partenaires, en mode « avec vous 300 € de dons, on a fait ceci, c'est cool, non ? », afin de choper des crédits. Cela permet aussi de chiffrer la carence étatique afin d'exposer qu'il ne faudrait pas grand-chose, en comparaison de notre PIB, pour résorber telle situation jugée problématique. Stricto-sensu, la valorisation associative n'est pas une composante comptable.
Au passage, le secrétaire d'État nous indique que l'objectif 2020 du SNU est de formater 150 000 jeunes contre 2 000 en 2019. Ha, pour cette machine à préparer le sombre futur qui nous attend (emplois précaires, guerres, etc.), là y'a du pognon ! Le gouvernement veut rendre le SNU obligatoire dès 2026. Plus d'infos : |une critique globale du SNU et de ses effets sur la société](/?qY1kcw).
Via le Canard enchaîné du 6 novembre 2019.